vendredi 20 janvier 2012

Les grottes de Bourdonis

Une ouverture, une faille dans la roche. Des enfants jouent côté avec un chien, Madof. Ce chien disparaît soudain.
C’était un animal volontiers facétieux et, ses heures, voleur. Marsouin et Philippine le cherch rent quelque temps puis, guidés par ses aboiements, pénétr rent sa suite dans les grottes de Bourdonis.
A peine franchie l’anfractuosité, ils se trouv rent dans une vaste salle décorée d’énormes stalactites et de non moins imposantes stalagmites. Le froid qui y régnait contrastait avec la température caniculaire de l’été, l’extérieur.
Tu as vu, murmura Marsouin ?
Mais l’écho fit résonner ses paroles qui se répét rent l’infini et remplirent les enfants de crainte. M me Madof restait pétrifié. Un grondement, venu du fond de la grotte, o régnaient des tén bres denses et peu rassurants, se fit entendre. Les petits se rapproch rent du chien et se serr rent contre lui. Le bruit, comme un long tonnerre, dura plus d’une minute, qui compta pour eux autant qu’un si cle.
Qui vient troubler mon sommeil, gronda une voix grave ? Elle figea les visiteurs bien que, de toute évidence, l’ tre qui posait la question n’avait pas d’intentions hostiles. Philippine répondit tr s bas :
Lui, c’est Marsouin, et moi, Philippine. Et vous ?
Elle se montrait courageuse, plus audacieuse que son copain. De la vo te, quinze m tres plus haut au moins, tomba une goutte. Marsouin se lécha la main : ce n’était pas mauvais du tout. Il guetta une nouvelle goutte, mais dans l’obscurité, il ne voyait pas bien loin et devait s’en remettre au hasard.
Viens vite, on va sortir, dit-il et, joignant le geste la parole, il saisit le chien par son collier, empoigna le bras de la petite fille de l’autre main et commença une man uvre de repli.
Par malheur, ils ne voyaient pas suffisamment pour retrouver leur chemin.
Venez par ici, petits curieux, reprit la voix.
C’était s r, il y avait une lueur vers le fond de la grotte. Faute de pouvoir s’échapper, Marsouin et Philippine s’en approch rent pour découvrir une esp ce de lézard d’un rouge lumineux, une tr s belle couleur qui ressortait, éclairée par des torches plantées dans les parois. Ils n’osaient plus rien dire et ouvraient de grands yeux pour mieux discerner de quoi était faite cette créature.
Je m’appelle Yok, dit-il. Chez nous, les Champous, je monte la garde un jour sur deux.
Ils sont tous comme vous, les autres, demanda Philippine ?
Les filles, c’est bien connu, c’est plus curieux que les gars.
Pas tous. Les femmes se font fixer des crochets sur le dos pour y suspendre leurs petits. Mais on les reconnaît d’abord pour leurs cheveux bleus qui, souvent, descendent jusqu’au sol.
Ce n’est pas vrai, glissa Marsouin son amie. Pince-moi : je dois r ver.
Vous marchez sur deux pattes, ou quatre, demanda Philippine ?
Deux, plus la queue. Vous savez, nous trouvons dans la grotte de l’eau pour boire et du lichen pour manger. Ce qui nous manque le plus, c’est la distraction.
Les jeunes visiteurs se sentaient soudain menacés. Bien s r, des mangeurs de lichen ne pouvaient pas se montrer réellement agressifs.
Yok mesurait plus de deux m tres et ses pattes avant étaient ridiculement courtes. Marsouin et Philippine s’étonnaient de l’entendre s’exprimer en français et ils lui en demand rent la raison.
C’est une longue histoire, assura Yok.
Pris entre leur envie d’écourter l’entretien et leur désir d’en connaître davantage, les enfants ne répondaient pas, ce que la Champou interpréta comme un encouragement poursuivre.
Il sortit d’une de ses poches un enregistreur qui ne ressemblait rien de connu et le mit en marche
«  Mes enfants, si vous m’entendez, c’est que vous tes comme moi prisonniers de la grotte de Bourdonis. J’y ai déj passé plus de soixante ans, sans trouver la sortie et, pour passer le temps, ai entrepris d’apprendre le français au peuple Champou.
Lorsque je suis arrivé, je cherchais une cachette parce que la police me talonnait. Je suis entré sans vraiment le vouloir da ns la grotte o j’ai été accueilli par ses habitants un peu comme un dieu. Ils n’étaient jamais sortis de leur univers et ne savaient pas que d’autres créatures vivaient ailleurs. C’est curieux comme on se croit vite les maîtres du monde. Les Champous, c’est vrai, r gnent sur le monde des grottes sans partage. Si vous regardez bien les différentes salles, vous verrez que, sur certains murs, on a dessiné des aurochs, des dinosaures et des escargots. Y a-t-il eu, voici des millions d’années, d’autres occupants ? Toujours est-il que j’ai appris ici me nourrir de lichens. Au début, on a un peu faim. Et puis, j’ai remarqué un jour que ma peau se colorait davantage. Un appendice caudal m’est venu. J’ai fini par prendre une femme parmi les champous. Je ne vous dirai pas comment cela se passe entre un homme et une femme, par ici ? Mais si vous saviez… Un bonheur ! Vraiment, je ne regrette pas d’ tre resté. Si j’ai un conseil vous donner, ne perdez pas comme moi votre temps vouloir vous échapper. Mangez du lichen et aimez les Champous ! »

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