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Oh ! La valise d’Antoine !
Antoine, c’était son frère, de trois ans plus âgé,
qui était mort au front. Ainsi qu’il arrive souvent de ceux qui s’en vont dans
la fleur de l’âge, ses proches l’avaient paré de toutes les vertus. S’il avait
vécu, c’est sûr, il aurait fini professeur au Collège de France, à l’Académie
Française et pourquoi pas au Panthéon. Il n’était pas question de mettre en
doute ce dogme. Antoine avait du génie, puisqu’il n’était plus.
A la vue de la valise qui avait appartenu à un frère
aimé mort trop jeune, maman n’a pu retenir une larme qui a coulé jusqu’au
menton. Nous étions tous les quatre dans le salon, mes deux sœurs, elle et moi.
Aucun de nous n’osait ouvrir la valise ; on s’en tenait éloigné, de
crainte d’accomplir un sacrilège. Le soir, nous sommes partis nous coucher sans
avoir tenté d’aller voir ce qui s’y trouvait. En pleine nuit, un grincement
m’éveilla. Je me levai sans bruit et descendis sur la pointe des pieds
l’escalier de la maison. Je ne m’étais pas trompé : la lumière, dans le
salon, trahissait une présence. J’ai poussé la porte en douceur.
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Marc ! S’écria Lucienne.
Elle était descendue en chemise de nuit et essayait
cde manœuvrer les serrures. Celles-ci résistaient.
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Tu n’as pas honte ? C’est à Maman
de le faire ! Lui objectai-je Elle me jeta un regard où régnait la
mauvaise conscience.
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Je n’en pouvais plus. Il faut savoir ce
qu’il y a dedans.
Je renonçai à la critiquer davantage. J’avais trop
envie moi aussi de connaître le contenu de ce bagage.
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Attends, lui dis-je, on va prendre
quelques outils pour forcer les serrures.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Un tournevis, une paire
de pinces. Fébriles, nous avons soulevé le loquet en forçant le mécanisme. Une
odeur de moisi s’échappa. Sur le dessus, un short et deux paires de
chaussettes. C’était décevant, après cette attente. Un gros paquet, lourd, se
trouvait au fond. Enveloppé dans un drap, nous avons découvert un exemplaire
relié d’un roman de Jules Verne : De la Terre à la Lune.
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Tu crois que c’est un Hetzel ?
Demanda Lucienne.
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Ca ne ressemble pas. On dirait plutôt
une édition à bon marché.
Le matin, nous avons dû avouer notre forfait à Maman
et à Suzanne, notre autre sœur. Maman s’écria :
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Ca, c’est une chance ! C’est le
volume qui manquait à la collection de votre père !