dimanche 13 octobre 2013

mon territoire

Mon territoire, c’est un petit coin perdu dans la galaxie, un endroit improbable sur la planète Terre. Point n’est besoin pour s’y rendre de prendre l’avion, pas même le train. Quelques tours de roue, et nous y voilà. On gare l’auto au sortir du village, sans même verrouiller les portières : qui viendrait dans ce coin tranquille avec des intentions prédatrices ? On franchit la grille pour avancer dans l’allée centrale. Tout est agencé, avec à chaque emplacement le nom de l’occupant. Des fleurs, des plaques, parfois des photos, des croix décorent ces petits lopins de terre. Chaque famille a installé là des symboles de l’affection qu’elles portent au cher disparu.

Allée C, numéro 27. C’est une case encore vide, ni dalle, ni stèle, des herbes folles poussent en liberté et se penchent sous le vent. La terre paraît légère, comme s’il fallait juste quelques coups de bêche pour creuser mon ultime demeure. J’ai réservé mon territoire ; je paye chaque année la redevance et viens m’y recueillir de temps à autre. Si mes enfants ne manifestent pas plus d’intérêt que moi pour les cimetières, mieux vaut en effet que je me charge, de mon vivant, des visites qu’ils repousseront d’année en année. J’aime à imaginer qu’ils feront pousser des cyclamens, fleurs que j’aime pour leur fragilité, leurs teintes nuancées mais aussi pour leur nom qui me rappelle le vélo. Et puis, je serais content qu’au milieu, on installe une plaque avec mon épitaphe. A force, je l’ai choisie : que sa mort soit aussi heureuse que sa vie.

C’est promis : l’année prochaine, je m’en irai promener  au cimetière avec me petite fille, Rose. Je ne lui dirai pas à quoi est destiné ce lieu. J’espère qu’elle en gardera le souvenir après ma mort et y reviendra d’un cœur léger pour évoquer les moments joyeux passés ensemble.

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