mardi 17 novembre 2015

13 novembre


Déni

Ce n’est pas vrai, rassure-moi, tu n’es pas morte !
Tu ne peux pas partir d’un seul coup, de la sorte,
Nous étions venus là, au concert, tous les deux,
Tu es encore en vie, je le sais, je le veux,
Malgré le sang qui défigure ton visage,
Malgré tes yeux ouverts, les trous dans ton corsage.
Nous sommes deux, main dans la main, c’est le bonheur,
Non ce n’est pas fini, tu reviens tout à l’heure,
Dans un instant, ce sera  à nouveau la fête,
Sur mon épaule encor, tu poseras la tête.
 

Colère

Ton cœur qui ne bat plus me remplit de fureur
Celui qui t’a tuée, je veux qu’il meure
Je vais prendre un couteau, un fusil, une pierre
Pour l’envoyer au cimetière.
C’est injuste, à la fin, que lui avions-lui fait 
Pour justifier un tel forfait ?
Il ne restera pas impuni, l’inacceptable crime,
Je vengerai ta mort, chère victime.
La haine au fond de moi agit comme un poison.
J’ai perdu la raison.


Marchandage

Je me dis cependant que la vie continue
J’ai les yeux pleins de pleurs, pensant que tu es morte ;
Il se peut que demain mon chagrin s’atténue.
De nos amours, hélas ! On a fermé la porte.
Plus jamais je ne t’entendrai venir vers moi.
Souvent, quand je suis seul, dans le noir, tout est sombre.
J’aimais ton corps, j’aimais tes mains, j’aimais ta voix.
De mes amours, ne restent plus que des décombres.
Tu es morte aujourd’hui, il me faut l’accepter ;
Nous n’irons plus jamais écouter la musique,
Tu es morte, à présent, et moi qui  suis resté,
Je vivrai malgré tout, seul et mélancolique.

 
Dépression

Mais je n’ai qu’une envie : partir pour te rejoindre.
Plus jamais, nous n’aurons ces moments aériens,
Je vis dans le passé, ne vois pas demain poindre
Et je me dis enfin que la vie ne vaut rien.
Non, je n’ai pas de goût pour les joies les plus pures,
Celles qu’hier nous partagions sans nul souci.
En ma tête, sans cesse, enivrant, un murmure :
Il n’est plus temps de vivre, au revoir et merci !
L’époque est au chagrin, aux morts, aux cimetières,
Je n’ai plus qu’à quitter la terre.

 
Réconciliation

Avec les mois, pourtant, le calme est revenu.
Lorsque je pense à toi, il me vient un sourire.
Je rêve des moments où nous nous aimions, nus,
Sur ton lit, lieu chéri de nos tendres délices.
Il me semble parfois que tu es comme moi,
Que même tu pardonnes,
Et il s’en faut de peu que renaisse l’émoi.
Faut-il qu’on s’en étonne ?
 

vendredi 13 novembre 2015

ma participation à un concours de poésies


Le soir, au coin du feu, je pense aux mille choses,
Aux travaux délaissés ; pourtant, je me repose :
Demain, demain encor sera un autre jour
Hein, mon amour ?

Il ne te sert de rien de te mettre en colère
Laisse-moi donc le temps de terminer ma bière
Et si j'allais mourir aujourd'hui, dis pourquoi
M'user les doigts ?

 

Le poète inspiré nous chantait : Liberté !
Et pourtant il craignait sa femme.
Moi qui n'ai peur de rien, je passe tout l'été
A contempler briller sa flamme.

La liberté pour moi, c'est un morceau de pain
Avec un bon pot de rillettes,
C'est avoir un ami qui me donne la main
Avec qui partager la fête.

Je n'ai jamais compris pourquoi, an nom d'un dieu
Il me faut étriper mon frère.
J'ai pris du poids, de l'âge et suis devenu vieux
pourtant, toujours j'espère.

Je sais que je mourrai un jour, seul dans mon coin
Je me sens nostalgique.
La vie m'a épargné ; j'entends là-bas, au loin
Sa légère musique.


J'aime les poèmes
A la crème.
Et au rhum,
ajoute l'homme.

J'aime les poésies,
La fantaisie
Et le drame,
Ajoute la femme.

J'aime les sonnets,
Les sommets
Et les précipices
Ajoute le fils.

J'aime les ballades
En marmelade
Avec du flan
Ajoute l'enfant.


Lorsque les morts se lèveront comme un seul homme,
Quand des amours sera éteint le dernier feu
Dans un vacarme insupportable, affreux,
Quand Adam finira de digérer sa pomme,

Quand, lassé de veiller, Caïn fera un somme,
Quand du ciel aura fui toute trace de bleu,
Et que, chez les vivants, n'y aura plus pour jeu
Que le battement régulier des métronomes,

Lors nous verrons enfin naître le dernier soir,
Nos rêves envolés, oubliés nos espoirs
Et nous nous en irons traîner notre misère
Dans la fange et le sang, la souffrance et le mal.

Rien ne nous servira de pleurer et de geindre
Car c'est Satan, lui seul, qui conduira le bal.


                  Je voudrais du poème.
                  Combien en voulez-vous ?
                  Cela dépend ; c'est cher ?
                  Un prix exorbitant
         Mais on paie en nature :
         un sourire, un mot, un regard,
         Les meilleurs jours une caresse.
         Parfois aussi, mais c'est plus rare,
         On reçoit un autre poème
         Avec du rhum et de la crème
         Et on s'enivre de ses mots.


Un beau matin, Jean se leva,
Rose était là
Avec sa robe d'espagnole
Qu'est-ce qu'on rigole !
Le petit déjeuner servi
Avec envie
Il a dévoré un croissant
En rêvassant.
Et puis, il a dit à sa mère
- Quelle chimère -
Qu'il avait vu un éléphant
Sur le divan
Et qu'il n'irait plus à l'école
Elle était folle !
Mais il ne voulait rien savoir
Sous son bavoir.
Arrête toutes ces bêtises
Mets ta chemise
Si tu veux devenir savant
Il faut avant
Que tu ailles voir ta maîtresse
 

com cordem


La place de la Concorde, la nuit, il n’y a pas mieux pour éblouir les filles, premier pas vers la conquête comme un sait. Les réverbères apportent une lumière magique, dorée, l’obélisque se dresse plus imposant qu’en plein jour, les rares autos éclairent de leurs phares la chaussée, les passants émerveillés s’arrêtent un instant dans l’attente d’on ne sait quel miracle. Le regard est accroché par tout ce qui brille, par terre, en l’air. L’atmosphère, si légère, les senteurs, les bruits des véhicules qui passent au ralenti, tout concourt à endormir la vigilance des passants et à l’emmener dans une contrée lointaine proche du pays du rêve. Au fond, les façades du Crillon et du ministère de la Marine entourent la rue Royale et dans la perspective, on aperçoit les colonnes de l’église de la Madeleine. Je me rappelle être revenu à pied d’un bal avec ma cavalière, car mes moyens ne me permettaient pas de lui offrir un taxi ; nous avions traversé la Seine bras dessus, bras dessous, juste assez amoureux pour conférer à la situation un caractère un peu clandestin. Elle rêvait à la vue de ce spectacle dont rien ne lui échappait. Elle écarquillait les yeux et tournait la tête sans arrêt, sous le charme. J’avais le cœur qui battait plus fort qu’à l’accoutumée et les yeux qui ne la quittaient pas, au risque de l’incommoder. Il en aurait fallu bien davantage dans l’état second où elle se trouvait. L’air était clément, la brise caressante, le ciel dégagé offrait à la lune un décor de théâtre.

Nous n’avions ni passé, ni futur, ni contraintes, ni besoin autre que se trouver sur la place, l’un à côté de l’autre, main dans la main, légers. Les sculptures monumentales qui constellent l’endroit et qui symbolisent les grandes villes de France nous regardaient, j’en suis sûr, avec bienveillance.

 

Elisabeth me murmurait : « Viens, on va remonter les Champs-Elysées » et elle se mit à fredonner une chanson de Joe Dassin alors à la mode. Prémonitoire, elle s’achevait par ces mots : « et on n’a même pas pensé à s’embrasser ». Dieu sait pourtant que c’était là ma principale volonté, mais elle riait, virevoltait et me rendait l’approche délicate. S’appelait-elle Elisabeth, d’ailleurs, je n’en suis plus très sûr ; Henriette, peut-être, car elle venait du Mans si ma mémoire ne me joue pas des tours, mais après tout, qu’importe ! Sur sa suggestion, nous avons marché plus d’une heure en dépit de l’heure avancée. Après le chemin parcouru depuis le bal, et compte tenu de la soirée passée à danser, boire un peu, parler fort pour couvrir le vacarme ambiant, nous avions les jambes lourdes en revenant place de la Concorde. Fourbus et heureux à la fois. L’aube pointait et un devinait le jour proche. La promenade avait achevé de nous épuiser, et malgré la vigueur de ma jeunesse, en arrivant au pied de l’immeuble où elle demeurait, je me sentis saisi d’une irrépressible envie de dormir. Aussi, après avoir pris soin qu’elle ferme derrière elle la porte cochère, je me dirigeai vers mon domicile.

 

 

M’étais-je endormi ? Sans doute. Je me trouvais à nouveau sur la place, lais en plein jour cette fois. La tiédeur de juin avait cédé la place à un froid glacial. Il avait neigé dans la nuit et on apercevait çà et là des traces où le blanc le disputait au noir.  Nul obélisque au centre, nulle statue non plus, juste un espace gigantesque, une vaste plaine noire de monde. Des hommes, des femmes, des enfants se pressaient pour assister à un spectacle au centre de l’esplanade.

-         Comment es-tu venue place Louis XV ? Demanda un jeune garnement à sa voisine, une petite rousse délurée.

-         Eh ! Dis-donc, ça ne s’appelle plus comme ça. C’est la place de la Révolution, maintenant.

Elle portait un fichu bariolé, noué aux coins qui lui servait de sac à main et qui devait recéler quelques secrets, du fard à joues à en croire ses pommettes rubicondes, et peut-être un carnet sur lequel elle notait ses impressions et ses amourettes.

 

Un homme s’était installé, près de la grille des Tuileries, avec un brasero sur lequel il faisait rôtir des châtaignes. Des enfants tournaient autour pour profiter de la chaleur émise par le feu. Il criait de temps à autre dans l’espoir de se faire entendre malgré le brouhaha :

-         Chauds, les marrons, chauds !

Et lorsqu’un client s’approchait pour s’en régaler, il prenait les petites boules brunes avec une pince en bois pour remplir un cornet de papier.

 

Soudain, de la rue de Rivoli, la Garde Nationale fit son apparition, montée sur de splendides alezans et vêtue d’uniformes bariolés et rutilants. A sa suite, une charrette sur laquelle un gros homme, l’air débonnaire, absent comme si rien de cette manifestation ne le concernait, était maintenu par des soldats. Non sans mal, ils parvinrent à se frayer un chemin jusqu’à l’endroit où, la veille, des employés municipaux avaient érigé un étrange édifice tout en hauteur. La foule grondait de plus en plus fort ; un groupe de jeunes gens, garçons et filles, hirsutes et vêtus de hardes dépenaillées, entonna une chanson au rythme martial et dont la mélodie, assez simple, pouvait se retenir sans peine :

« Monsieur Véto avait promis, monsieur Véto avait promis

« D’être fidèle à son pays, d’être fidèle à son pays.

« Mais il y a manqué, ne faisons plus quartier !

« Dansons la Carmagnole, vive le son, vive le son,

« Dansons la Carmagnole, vive le son du canon.

De proche en proche, les badauds reprenaient le refrain dans une abominable cacophonie, des femmes criaient d’une voix suraigüe, le bruit s’amplifiait, des malins profitaient de l’aubaine pour vendre des crêpes et des verres de vin chaud. Au milieu de toute cette populace, des vide-goussets s’étaient sans aucun doute insinués. Bien qu’on fût en janvier, la température montait rapidement. Les parisiens qui se bousculaient dans l’espoir d’apercevoir l’estrade ne sentaient plus la morsure du froid. Des filles habillées de jupes multicolores et de corsages aux échancrures généreuses, emmenées par de jeunes voyous venus du Faubourg Saint-Antoine ou du Faubourg Saint-Martin, se mirent à danser comme les paroles de la chanson les y invitaient. Le prisonnier gravit les marches qui le menèrent à une plate-forme exigüe. Il avait gardé sa dignité, on l’aurait dit indifférent à tout ce tumulte, si bien que les militaires qui l’accompagnaient lui témoignaient un respect probablement involontaire. Un civil, mieux mis que les autres et la tête coiffée d’un absurde bicorne orné d’une cocarde tricolore, commença à lire à voix haute une déclaration, mais les hurlements, aux alentours, devenaient si forts que seuls les premiers rangs parvinrent à identifier quelques mots. Il levait haut la tête, semblait imbu de son pouvoir. Il replia le papier où devait se trouver inscrit le texte de sa harangue, recula pour laisser la place à un prêtre. Ce dernier n’avait pas l’air d’apprécier son rôle. Il s’approcha du gros homme, un pauvre sourire aux lèvres. On reconnaissait son état à sa soutane et au livre qu’il tenait à la main – un recueil de prière à n’en pas douter.

 

Le gros homme, le regard las, lui fit signe qu’il ne souhaitait pas son assistance. Les gens trépignaient, criaient des insultes ou de sinistres plaisanteries. Un personnage aussi large que haut, qu’on aurait bien vu tenir une taverne dans un quartier louche, lui lança :

-         Alors, quand vas-tu y passer le cou ?

Mais non loin de lui, un garçonnet s’écria si fort que les gens l’entendirent :

-         Vive le roi !

Des hommes l’entourèrent, indignés, et s’apprêtaient à lui faire un mauvais sort. La mère du bambin, qui n’avait pas dix ans, s’interposa :

-         Pardonnez-lui, citoyens, il est bien jeune et il avait appris à crier « vive le roi » ici-même, le jour du sacre.

-         Eh ! Bien, citoyenne, il n’est jamais trop tôt pour reconnaître les tyrans

Par bonheur pour la femme et son fils, leur attention fut soudain attirée par un roulement de tambours. Un chauve, qui avait sans aucun doute commencé à fêter l’événement dans un bouge, crut bon d’ajouter :

-         On va t’apprendre à honorer Monsieur Véto !

 

Mais les choses en restèrent là. On attendait la mise à mort, et la horde se poussait pour voir et entendre. C’était une invraisemblable bousculade. Les marchandes de poisson empestaient le merlan, d’autres la sueur, on marchait sur les robes trop longues, il n’était plus question de rester à proximité de celle ou celui qui, naguère, vous accompagnaient.

 

*                              *

 

J’étais si absorbé par ce spectacle que je n’entendis pas mon père ouvrir la porte de ma chambre. Il eut un mouvement de recul à la vue du désordre qui y régnait. Je m’étais affalé sur le lit sans prendre soin d’ôter mes vêtements. Ce furent ses cris qui m’éveillèrent :

-         Enfin, Louis ! Tu as perdu la tête !