mardi 6 décembre 2011

Autorités

- Beurk, s’écrie Tipo, qui vient de s’asseoir dans la cuisine où sa grand-mère a rempli son assiette d’un brouet de couleur peu appétissante. Mammy, j’ai pas faim, ce soir !
- Mais si, mon petit, je viens de te préparer une bonne soupe aux lentilles, répond la vieille dame sans s’émouvoir.
- Les lentilles, moi, j’aime juste les faire pousser dans de l’ouate. Ca sent pas bon, ta soupe !
- Ca alors ! Dis, Papy, tu en penses quoi, toi : elle sent bon, ma soupe, non ?
Le bonhomme lisait le journal dans le salon ; il a cependant entendu sa femme, par la porte restée ouverte. Il intervient sans trop y croire :
- C’est toujours bon, ce qu’elle fait, ta mammy.
- Ben non, ce soir, c’est beurk ! Pis c’est trop chaud, en plus.
Elle suggère :
- Je vais mettre du lait froid dedans..
Elle joint le geste à la parole, puis remplit une cuiller et l’approche de la bouche de Tipo
- Brrr, Brrr, Frrt, fait l’enfant qui par son souffle envoie le contenu sur la table et sur le chemisier de sa grand-mère.
- Tu vas le manger, gronde-t-elle. Sans ça, tu resteras toujours un bébé.
- D’abord, quan,d je prends du potage, après, je fais pipi au lit.
- Pas si tu prends tes précautions avant de dormir. Moi qui viens de dire à maman au téléphone que tu es toujours sage ! Elle hausse le ton : N’est-ce pas, Lucien, que je lui ai dit, à Elodie, que Tipo ne fait pas de bêtises ?
- Oui, oui, acquiesce-t-il sans lever les yeux.
Tipo descend de sa chaise. Sa grand-mère lui saisit le bras et le tient fermement.
- Oh ! Ca ne va pas se passer comme ça ! Tu ne veux pas dîner ? Nous ne t’emmènerons pas chez Mickey la semaine prochaine !
- C’est pas juste ! Personne ne m’aime !
Tipo pleure. Les larmes coulent dans son assiette.
- Maman ! Je veux voir Maman !
- Ecoute, Tipo, si tu en manges la moitié, je donnerai le reste à Sacapus !
- Une cuiller, et c’est tout.
Excédé par le bruit, le grand père se lève et entre dans la cuisine.
- C’est pas bientôt fini, ce vacarme ?
Tipo lève les yeux, comme pour voir s’il est vraiment en colère ou s’il fait semblant.
- Alors, deux cuillers, pas plus concède-t-il, parce qu’avec Papy, on ne sait jamais.
- C’est la dernière, tente la grand-mère qui veut avoir le dernier mot.
- Mais tu vois bien qu’il n’aime pas ça, le pauvre petit ! Dit Lucien. Il s’adresse à son petit-fils : Donne-moi ça, je n’en ai pas pour longtemps.
- C’est trop fort ! commente la vieille dame furieuse. Tu vas t’occuper de lui, maintenant, toi qui es si malin.

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