Ses amis l’avaient surnommé « l’Artichaut à cause de son cœur. Il venait de se prendre un râteau de chez Râteau. Il se rendit au Fitness center le plus proche et aperçut Julie Flèche d’Argent qui portait une pochette sur laquelle était écrit « Hermès » et deux sacs bleu, blanc, rouge de chez TATI.
- Salut, Julie, s’exclama-t-il, tout émoustillé.
C’est qu’elle avait de quoi attirer le regard et retenir les garçons, la coquine.
- J’ai passé l’après-midi à parcourir les magasins et maintenant, je vais faire du home-trainer, mais pas trop longtemps.
- C’est à la gym que tu as acquis cette silhouette de rêve ?
Elle le regarda, interloquée. Elle se serait bien laissée aller à batifoler avec lui, mais il ne lui restait qu’une heure pour prendre la petite Sidonie à son cours de saxophone, et puis elle avait deux coups de fil à passer. Non, tiens, trois même : ça fait bien six heures que je n’ai pas appelé Maman.
- Tu me plais vraiment, sais-tu ? Et puis, ton parfum…
- Oui, je voulais Shalimar, mais ils n’en avaient plus. Ils m’ont proposé d’attendre deux ou trois jours, mais j’ai préféré acheter Chamade à la place.
- Tu veux que je te dépose ?
- C’est gentil, ça. Tu vas me faire gagner dix minutes.
Et en sortant de la salle de gym, ils rejoignirent la Clio d’Artichaut. Ce dernier démarra, mais au premier feu, sa main se posa sur la cuisse de Julie.
- Ah ! Non, je n’ai pas le temps, se plaignit-elle
- Mais tu n’as jamais le temps pour moi.
- Ne sois pas parano. Tu n’y es pour rien. Je n’ai pas le temps, point barre.
- Le feu passa au vert. Il redémarra, ruminant sa déception.
- - Arrête-toi un instant, lui demanda-t-elle alors qu’ils passaient devant un bijoutier. J’en ai pour vingt secondes.
Il eut envie de refuser, mais, comme elle se penchait sur lui et lui offrait une perspective vertigineuse, il céda.
- Juste une minute, c’est promis ? Demanda-t-il, même si, d’expérience, il savait qu’une minute de bijoutier et un quart d’heure de coiffeur, ça peut durer. Il dut d’ailleurs négocier pied à pied avec la contractuelle. Il tombait un crachin malsain et glacial tant et si bien que l’humeur de la préposée s’en ressentait. Il n’avait pas eu le temps de déclarer sa flamme à Julie, aussi adressa-t-il à la contractuelle l’avalanche de compliments qui ne lui étaient pas initialement destinés. Miracle : elle sourit, s’adoucit et consentit à ne pas verbaliser.
D’ailleurs, Julie revenait. Artichaut avait encore des restes de déclarations enflammées et parvint à glisser quelques phrases empreintes de sentiments exaltés au milieu du discours de la demoiselle. Cela donnait :
- Alors, je lui ai dit : Mon collier, vous l’avez renfilé ?
- Julie, tes courbes, j’en rêve même le jour.
- Tu sais ce qu’il m’a répondu ?
- J’aime ta bouche aux lèvres vermeilles…
- Vous me l’avez donné hier et je n’ai pas eu le temps.
- Promets-moi de passez me voir ce soir.
- Je n’allais pas me laisser abattre. Et ma bague ? Je lui ai fait.
- Je glisse la clé dans ton sac.
Elle se rendit compte tout à coup qu’il brûlait de passion pour elle.
- Ecoute, lui dit-elle, j’ai cinq minutes. Si tu veux, là, tout de suite…
C'est fort beau, comme on dit par chez moi.
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