dimanche 3 janvier 2016

Quelques facettes du fait religieux

Les sociétés d’hommes ont connu, et connaissent encore, une attirance pour des croyances en des forces mystérieuses ; ces croyances exercent une influence considérable sur nos comportements privés comme sur la vie sociale. Même dans notre Europe déchristianisée, il est difficile d’envisager que nous puissions un jour vivre totalement détachés de la religion. Cela tient à ce qu’elle intervient dans de nombreux domaines de notre pensée, de nos actes et de notre personne.

Une religion vise à expliquer à l’homme d’où il vient, le pourquoi des choses. Le dessein de Dieu sur la création et sur son destin répond à toute question. La notion de miracle permet de remplir les vides La science a bien sûr fait reculer les religions, qui ont défendu et défendent encore un territoire qui se rétrécit de plus en plus. D’où la difficulté dans laquelle se trouvent les religions à mettre en évidence la main de Dieu. Jadis, tout ce qu’on ne comprenait pas relevait de l’action divine. Des petits malins ont découvert que, le plus souvent, il existe des explications rationnelles et matérielles aux phénomènes naturels. L’inconnu recule donc, mais il demeure au fond des fonds des zones floues ou mystérieuses où se réfugient les croyances religieuses. Le christianisme a dû de force admettre des constructions qui ne font pas appel au magique pour satisfaire notre curiosité. L’Islam y viendra sans doute plus tard.

En plus de répondre à nos interrogations sur le monde qui nous entoure, les religions nous apportent aussi un réconfort en nous permettant d’envisager la mort sans crainte. L’immortalité de l’âme et la foi dans une vie éternelle constituent un des fondements essentiels des églises. L’assurance fournie par la religion de la mort comme passage remplit le fidèle d’espoir et autorise la hiérarchie de l’église à lui demander soumission et respect sans faille. La conviction assez naturelle à l’homme qu’il a une âme immatérielle trouve un prolongement facile dans l’espoir que celle-ci, d’essence autre que la matière, lui survivra. Bien qu’il nous soit difficile d’appréhender ce que peut être une existence sans fin, l’espoir d’échapper à la déchéance aide à vivre nombre d’humains. Selon toute vraisemblance, l’assurance d’une survie après la mort joue le rôle de sergent recruteur pour les armées célestes. Le pouvoir des religions – l’opium du peuple – se trouve ainsi renforcé. L’homme trouve non seulement dans la foi la réponse à tous ses questionnements ; il se voit par surcroît pourvu d’une assurance la plus absolue. Et pour reprendre Pascal, qu’importe le prix à payer si l’espérance de gain est infinie ?

Suivant ces endoctrinements qui leur assurent une base solide dans les populations, les religions construisent des systèmes sociaux et moraux qui permettent à leurs ministres d’associer à leur pouvoir spirituel un ensemble d’avantages matériels non négligeables. On voit bien que, selon les époques, en fonction du pouvoir qu’elles exercent sur les esprits, les religions prennent une part plus ou moins importante dans la vie de la cité. Depuis Constantin jusqu’au XIXème siècle, pratiquement toute l’Europe a vécu sous sa férule : écoles, hôpitaux, état-civil, des pans essentiels de la vie des sujets lui étaient soumis. Au cours des temps, des frictions se sont fait jour entre le pouvoir militaire et financier et celui des églises. Les querelles qui ont suivi la Réforme n’ont pas été sans conséquences sur le pouvoir redoutable qu’exerçait Rome sur les esprits. Avant les Lumières et la Révolution, on n’imaginait pas en France de système de pensée, de morale ou de philosophie en dehors de l’Eglise. Si les religions chrétiennes ont vu reculer leur influence, d’abord en raison de l’avancée de la science mais aussi en raison d’une prise de conscience chez beaucoup des ressorts machiavéliques de l’Eglise en tant que structure sociale, beaucoup d’états vivent encore, dans d’autres confessions, dans une situation où la religion sous-tend toute action et éclaire tous les mystères.

Reste, dans le fait religieux, un aspect plus secret et plus difficile à analyser de manière rationnelle. L’homme, qui aime qu’on lui fournisse des explications, qui a peur de la mort et bien souvent accepte le joug d’organisations puissantes et tonitruantes, a aussi besoin d’échapper à sa condition physique ; en témoignent toutes les créations artistiques auxquelles on peine à trouver des justifications matérielles. Les gens terre à terre demandent : à quoi sert la poésie ? Que gagne-t-on à encourager la musique ou la peinture ? Il y a certes des marchés pour les œuvres d’art mais leur ressort final peut difficilement résider dans la recherche du confort ou du luxe. Le spirituel et le mystique sont des domaines où s’exerce notre activité de manière irrationnelle. Les religions aident bien des artistes à trouver l’inspiration ; elles appuient leurs aspirations à un concept qui les dépasse. D’où vient, par exemple, que l’essentiel du chant choral soit de nature sacrée et que dans les musées, une bonne partie des œuvres se réclame de traditions religieuses ? La religion appartient donc sous cet aspect au domaine de l’irrationnel, du sentiment et de l’intuition. On parle d’ailleurs de sensibilité en la matière. Le sentimentalisme est pourtant mal vu des religieux qui n’y voient qu’une adhésion de surface.

Les lignes qui précèdent, j’ai conscience qu’elles reflètent mon époque, mon éducation et mon caractère. Leur premier objectif était de m’amener à examiner où je me situe par rapport à la religion. Je les diffuse pour ouvrir un débat et dois bien avouer qu’après ces efforts d’introspection et d’analyse, je ne suis guère plus avancé.

                                                                              Reugny, le 2 janvier 2016

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