Ce qui m’a amené à défiler dimanche, c’est un sursaut : il faut réagir devant les assassins qui sont convaincus d’avoir raison et qui tuent, finalement, parce qu’ils n’ont pas d’arguments valables à opposer. Tuer son adversaire, c’est reconnaître sa force. Une société qui se veut civilisée ne peut tolérer que des personnes blessées dans leurs croyances se fassent justice eux-mêmes. D’ailleurs, même dans leurs propos, il n’est guère question de justice ; plutôt de vengeance. J’ai donc pensé qu’il me fallait réagir pour exprimer mon profond désaccord sur la méthode et espérer que cela contribuera à ramener le calme. Mais je n’y crois guère. Les assassins, s’ils ont provoqué une mobilisation presque unanime de la population contre eux, ont pourtant atteint un de leurs objectifs : renforcer le communautarisme en France. . Depuis une semaine, les juifs se sentent menacés, les musulmans sont victimes d’amalgame.
Je me suis refusé jusqu’à ce jour à exprimer une
quelconque opinion à chaud, parce que j’avais peur d’écrire des phrases que je
serais amené à regretter par la suite. C’est si facile, sous le coup de l’émotion,
la colère par exemple, de se laisser emporter. Un exemple : j’anime un
atelier d’écriture et avais envie de proposer comme thème à développer :
mettez-vous dans la peau d’un terroriste, racontez pourquoi et comment vous
préparez un attentat. Un peu provocateur, dites-vous ? Et alors, la
provocation n’est-elle donc acceptable que de la part des gauchistes ?
Puis-je rappeler que ceux qui luttent contre l’opinion dominante sont souvent
considérés comme des terroristes par le pouvoir en place. Les résistants, les
nationalistes algériens, les basques, l’IRA, … S’il l’emporte, le terroriste
devient un héros de sa cause. Rappelez-vous l’Hôtel du Roi David De même que
Victor Hugo reprochait à Napoléon Bonaparte l’origine de son pouvoir –le coup d’Etat
du 18 brumaire- on peut légitimement fustiger les première manifestations
juives en Israël, puisque pour obtenir le droit de fonder un pays, ils se sont
autorisés à faire usage de la violence aveugle.
Il n’entre pas dans mes intentions de justifier toute
forme de violence, je désire juste attirer l’attention sur le risque sue nous
courons à se laisser entraîner par son premier mouvement. Je suis d’avis que
les religions font par nature courir un danger mortel à la liberté de penser,
et donc à la liberté tout court. Convient-il pour cette raison de les proscrire ?
Là se trouve le sophisme du libéral qui, à force de soutenir le droit de ses
opposants à exprimer une opinion de haine, s’expose à se faire éliminer par
eux. On connait le refrain : vous soutenez que tout le monde a le droit de
s’exprimer ; je suis en faveur de la censure ; c’est ma façon de m’exprimer
et vous devez donc me soutenir. La faiblesse du libéralisme et de la tolérance
git là. Proclamer : pas de liberté pour les ennemis de la liberté, c’est
ouvrir la porte au totalitarisme. Mais réside aussi là sa grandeur, parce que
si je soutiens l’autre, même totalitaire, dans sa liberté à exprimer son
opinion, je le combats ardemment pour qu’il n’impose pas sa loi.
Je ne suis pas Charlie, en ce sens que je ne soutiens
pas leurs provocations. Il y avait dans leurs dessins une violence réelle. Elle
ne justifie pas qu’on les ait tués ; pour autant, je ne me sens pas de
leur bord. Je défile, parce qu’il est inacceptable qu’on les ait assassinés.
Point.
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