lundi 9 septembre 2013

Marions-les

Quand, il y a quelques années, des associations de gays ont parlé de pouvoir se marier, je n’y croyais pas. J’avais tort, puisque plusieurs pays autour du nôtre, de tradition catholique comme nous, avaient légalisé le mariage pour des personnes de même sexe sans que cela déclenche une émeute. En France, pays de controverses s’il en est, le sujet était de nature à provoquer des affrontements, verbaux du moins.

Sur le fond, cette question ne me concerne pas. Je trouvais pourtant dérangeant qu’on modifie ainsi par la loi l’institution familiale. J’ai connu il y a quarante ans une femme qui vivait avec une autre et était parvenue, grâce aux relations de sa puissante famille, à adopter un enfant. Était-il traumatisé, marqué à vie d’infamie ? J’ai peine à le croire. Mais le modèle traditionnel : père-mère-enfants restait pour moi la norme. Le développement massif des divorces m’amenait à voir différemment la cellule familiale. Pourtant, le père vivait en général avec une femme, pas toujours la mère de ses enfants, et celle-ci reconstituait aussi un noyau homme-femme pour élever les enfants. On avait du moins des substituts de familles traditionnelles, des reconstructions au sein desquelles on pouvait penser que l’enfant retrouvait un équilibre de pouvoirs et d’affections propice à sa croissance.

Tout cela, il est vrai, reposait sur une image du couple harmonieuse et on sait que c’est rarement le cas. Les liens entre un homme et une femme qui vivent ensemble se dégradent le plus souvent, ils se transforment au gré des difficultés, des concessions moins bien supportées à mesure que le temps passe. Il est de ce fait utopique de prétendre qu’un couple hétérosexuel offre un havre de paix et d’équilibre incomparable. A y regarder de près, nombreux sont les enfants qui ont grandi dans une atmosphère de querelles, parfois de haine. Es pères ont des liens incestueux avec leurs enfants, d’autres les battent. Dans certains pays, des parents prostituent leurs filles et leurs fils dès leur plus jeune âge. L’image du couple supposé former un cocon idéal pour la formation des jeunes en prend un coup. A tout prendre, j’aurais préféré être élevé par deux femmes – ou deux hommes – qui m’aiment plutôt que par un couple qui se déchire à cause de moi.

Tout de même, officialiser ce qui, il n’y a pas si longtemps, passait pour une anomalie ou une déviation, il me fallait l’accepter. Je me rappelle au début des années 80, au moment de l’apparition du virus du SIDA, que des revues médicales expliquaient sérieusement l’homosexualité par l’immaturité, une mère abusive ou la peur de l’autre. Autant de propos qu’on n’oserait pas tenir aujourd’hui.

J’en étais donc là de mes réflexions quand le gouvernement, fidèle en cela aux engagements du candidat Hollande, a présenté au parlement son projet de loi. Je ne me sentais pas d’humeur à exprimer haut et fort mon désaccord avec ce projet. J’étais vaguement contre, en ayant bien conscience que cette opposition, toute molle qu’elle fût, me rangeait au rang des réactionnaires.

C’est alors que quelques excités ont déclenché une campagne vigoureuse contre le mariage homosexuel, appelé à tort mariage pour tous. Rien qu’à voir les chefs des insurgés, mais aussi leurs troupes, je n’ai pas été long à choisir mon camp. Madame Barjot qui, il n’y a pas si longtemps, chantait : « fais-moi l’amour avec deux doigts », voilà une curieuse d’égérie pour les tenants de la morale traditionnelle. Boutin, Villiers, tout le gratin du conservatisme le plus absolu. Les manifestants dans leur ensemble, jeunes et moins jeunes issus des écoles confessionnelles, les ligues de celles et ceux qui préfèrent la charité à la justice. Pas un instant, je n’ai pensé rejoindre leurs rangs, même si, sur le fond, j’étais sensible à leurs arguments, en partie du moins. Mais ils étaient exprimés en des termes pour moi insupportables, ils reflétaient tant la bonne conscience et l’aveuglement des leurs thuriféraires que j’ai aussitôt su de quel bord je n’étais pas.

Sans compter sue la droite n’avait pas été prise en traître. Hollande avait promis de le faire une fois élu. L a gagné les élections, il tient cet engagement e pouvoir de la rue au détriment des urnes, on sait ce que cela donne. D’autres gouvernements ont reculé sous sa pression, de gauche comme de droite et cela à mes yeux relève d’un souci de démagogie sans plus.

Les combats d’arrière-garde des « veilleurs » qui espèrent faire durer leur action jusqu’au prochain changement de majorité et qu’alors on abolira la loi scélérate paraissent voués à l’échec. Si l’on voulait rendre à la famille sa vertu d’origine, il faudrait avant tout revenir sur l’instauration du divorce, programme difficile à soutenir aujourd’hui.

Il est permis de se demander comment une infime minorité de femmes et d’hommes – on parle de 1% de la population – est parvenue à soutenir et faire adopter une telle mesure. Le pouvoir financier de Pierre Bergé, le jeu des lobbies ? L’appel à la victimisation a porté, sans aucun doute et les adversaires du projet ont tenté à leur tour de faire passer les hétéros pour des victimes d’un ostracisme d’un nouvel ordre, avatar du front national qui crie au racisme à son encontre.

Le « combat » des opposants au mariage homosexuel a cristallisé la coupure de la société entre les tolérants et les extrémistes. Ils ont choisi leur camp. Je choisis le mien.

 

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