L’amour, c’est aussi ça…
J’avais
quinze ans, et il en avait trois de plus. Il avait du retard dans ses études,
et moi un an d’avance. Nous nous sommes retrouvés ensemble et j’ai tout de
suite ressenti une forte attirance pour lui. Il s’appelait Alain, beau gosse,
grand et de l’humour potache comme on l’aime à cet âge. Il était parti un an
aux Etats-Unis et en était revenu lecteur de « Mad », une des
premières revues underground. Nous allions ensemble au cinéma, nous lisions les
mêmes livres, nous nous bagarrions souvent ; j’ai le souvenir d’une porte
de placard qui n’avait pas supporté nos débordements. Dire que je l’aimais, c’est
peu. Il était ma respiration, mon initiateur, mon grand frère, celui dont l’absence
me coûtait et vers qui j’allais en courant. Montaigne l’a écrit et on n’y peut
rien ajouter. La vie nous a séparés, il s’est marié et a eu des enfants, puis
il a divorcé. Il vivait aux Amériques, j’ai fondé une famille à mon tour. Et un
jour, j’ai lu je ne sais quelle infamie sur les amours homosexuelles et j’ai
pensé à lui. Notre relation n’a jamais connu de réalisation charnelle, mais en entendant
des esprits simplistes fustiger les amours de même sexe, je me suis senti visé,
parce qu’il s’en était fallu de bien peu que je n’ai eu avec lui des liens
physiques.
J’ai essayé
de renouer avec lui, récemment. J’ai tapé son nom sur Google et ai trouvé des
textes qui lui rendaient hommage. Il est mort et je n’en ai rien su… Ce n’est
pas ma seule faute, mais j’y ai ma part. Quoi qu’il en soit, et il l’a toujours
ignoré, je lui dois de me montrer complice avec les hommes et les femmes qui
aiment leurs pairs. Merci, Alain.
14 mai 2014
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire