mardi 13 mai 2014

L’amour, c’est aussi ça…

J’avais quinze ans, et il en avait trois de plus. Il avait du retard dans ses études, et moi un an d’avance. Nous nous sommes retrouvés ensemble et j’ai tout de suite ressenti une forte attirance pour lui. Il s’appelait Alain, beau gosse, grand et de l’humour potache comme on l’aime à cet âge. Il était parti un an aux Etats-Unis et en était revenu lecteur de « Mad », une des premières revues underground. Nous allions ensemble au cinéma, nous lisions les mêmes livres, nous nous bagarrions souvent ; j’ai le souvenir d’une porte de placard qui n’avait pas supporté nos débordements. Dire que je l’aimais, c’est peu. Il était ma respiration, mon initiateur, mon grand frère, celui dont l’absence me coûtait et vers qui j’allais en courant. Montaigne l’a écrit et on n’y peut rien ajouter. La vie nous a séparés, il s’est marié et a eu des enfants, puis il a divorcé. Il vivait aux Amériques, j’ai fondé une famille à mon tour. Et un jour, j’ai lu je ne sais quelle infamie sur les amours homosexuelles et j’ai pensé à lui. Notre relation n’a jamais connu de réalisation charnelle, mais en entendant des esprits simplistes fustiger les amours de même sexe, je me suis senti visé, parce qu’il s’en était fallu de bien peu que je n’ai eu avec lui des liens physiques.
J’ai essayé de renouer avec lui, récemment. J’ai tapé son nom sur Google et ai trouvé des textes qui lui rendaient hommage. Il est mort et je n’en ai rien su… Ce n’est pas ma seule faute, mais j’y ai ma part. Quoi qu’il en soit, et il l’a toujours ignoré, je lui dois de me montrer complice avec les hommes et les femmes qui aiment leurs pairs. Merci, Alain.
14 mai 2014

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